Jeudi 31
Janvier 2008 9:41:01 AM |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Après chaque
rencontre mensuelle, un compte-rendu est rédigé et envoyé à tout nos
membres. À chaque mois, sur le site, vous trouverez le compte-rendu du
mois en internet ou encore, les comptes-rendus des mois précédents en
format « pdf » que vous pouvez visionner en vous procurant le logiciel Acrobat Reader. Pour
lire nos compte-rendus précédents,
cliquez ici
SEPTEMBRE 2014 Numéro 252
LE FORUM
SOCIAL DES PEUPLES À OTTAWA
Le Forum
social, un peu d'histoire
Les
origines du Forum social se situent au Brésil, en 1999, à Porto
Alegre où tout a commencé à une échelle nationale, pour faire
contrepoids au discours hégémonique néolibéral qui sacrifiait les
valeurs sociales aux aléas du marché, nouveau maître que nous devions
suivre aveuglément. Puis, l’année suivante, le Forum social est devenu
mondial et a connu un développement exponentiel. Les ateliers fort
nombreux sont présentés à l’initiative des différents groupes
participants selon de grandes thématiques préétablies. Les groupes,
mouvements sociaux, syndicats, coopératives, etc. qui y participent ont
en commun d’être porteurs de projets alternatifs à l’économie
néolibérale. Les partis politiques ne sont pas admis au Forum social,
mais des individus membres de partis peuvent y participer. L’idée,
c’est que cela part du local et que cela se fédère en montant vers le
régional, le national, le continental et le mondial.
Depuis, il y a eu de nombreux Forum sociaux portant même sur des sujets spécifiques comme l’éducation, l’environnement, la santé alternative, etc. À Québec, nous avons eu le Sommet des peuples au printemps 2001 qui précédait de quelques jours la rencontre pour donner vie à la ZLÉA, Zone de libre-échange des Amériques. Cet accord a été rejeté par plusieurs pays d’Amérique du sud qui ont élu des gouvernements de gauche comme le Venezuela, le Brésil, l’Uruguay, la Bolivie, l’Équateur et l’Argentine. Cet accord signifiait l’abandon des barrières tarifaires douanières pour protéger les industries de ces économies émergeantes au profit des multinationales nord-américaines. L’ALBA, l’Alliance bolivarienne pour l’Amérique latine est née sur les cendres de la ZLÉA. L’ALBA constitue un contre projet de construction d’un bloc politique, économique, culturel et social, vis-à-vis de l’hégémonie occidentale. Maintenant, j’aimerais que nous parlions du Forum social des peuples qui a eu lieu à Ottawa du 19 au 23 août et qui avait pour but de rassembler les forces progressistes du Canada issues des trois solitudes : Les Premières nations, la société civile du Canada anglais, et les forces vives de la société québécoise. Yves Carrier TABLE DES MATIÈRES :
Présence autochtone au Forum social des peuplesMoi, je suis Québécois de cœur, Canadien de passeport et autochtone en construction. Le premier atelier auquel j’ai participé était organisé par Kaïros. L’activité se déroulait avec des couvertures qui étaient étendues sur le sol. Chacune d’elles représentait un territoire autochtone en Amérique du nord avant l’arrivée des Européens. Nous étions debout et on nous racontait les différents événements historiques qui ont fait en sorte de déposséder les Premières nations de leur territoire. À un moment, ils ont dit, les cartons bleus quittez la couverture et roulez-la vers le centre. Au fur et à mesure que l’activité se déroulait, on roulait les couvertures et on les retirait avec les personnes qui se trouvaient dessus. Pendant ce temps, il y avait des témoignages des grands-mères qui nous racontaient leur expérience de déculturation. À la fin, il n’y avait plus que trois personnes sur de petits morceaux de tissus. Ça a été des moments très riches à plein de points de vue. Une deuxième activité à laquelle j’ai participé, c’est alors que nous étions en assemblée de convergence sur la démocratie. Puis là, un groupe d’autochtones algonquins fait irruption dans l’assemblée. Ils arrivent une vingtaine au son des tambours et ils s’installent en avant et prennent la parole. Ils nous présentent leur situation. Ils habitent le parc de la Vérandrie et ils se font ratatiner leur territoire par les coupes forestières. Après cela, ils nous invitent à une assemblée de solidarité avec les Algonquins. On a vécu dans cette assemblée des choses très profondes et c’était tout à fait improviser. Cela commence par les grands-mères qui nous parlent de leur situation et de leurs revendications auxquelles elles nous invitent à nous joindre. Mets tes mocassins dans ma trail. C’est la formule qu’ils utilisent pour exprimer leur besoin de solidarité. Leur objectif est d’occuper le territoire qu’ils revendiquent. Ce que j’ai trouvé déterminant dans cette activité, c’est l’importance qu’ils accordent à la parole des grands-mères. Ce sont elles qui parlent au début jusqu’à ce qu’elles aient épuisé leur désir de parler, puis la parole est offerte au public jusqu’à ce que l’une d’elles manifestent le désir de parler à nouveau. Après cela, ils nous invitent à manger et j’ai pu observer la ritualisation de celui qui mange. Dans l’après-midi, ils nous avaient servi à boire, mais le soir quand est venu le temps de manger, ce sont d’abord les grands-mères qui mangeaient, suivis des femmes, puis des hommes adultes et finalement tout le monde. C’est une façon de voir que nous ne connaissons pas. J’ai vécu là des moments exceptionnels parce qu’il s’agit là de la culture autochtone que j’ai perdu il y deux générations. C’est ma grand-mère qui a été acculturée. Aujourd’hui, j’ai récupéré mon statut d’Indien comme si j’avais gagné un prix à la loterie. Est-ce qu’il y en a d’autres qui ont été à des activités qui avaient comme but de faire vivre un rapprochement avec les Premières nations ? Une chose qui ressortait, c’est qu’un peu partout dans le monde les peuples autochtones sont aux premières lignes pour assister au pillages des ressources naturelles par les compagnies minières ou pétrolière qui s’accaparent de leurs territoires. Et cela s’adonne que la majorité des compagnies minières dans le monde sont inscrites à la bourse de Toronto comme des entreprises canadiennes. Dans un atelier que j’ai suivi avec l’organisme Mining Watch, un exemple nous a été présenté. En Ontario, une compagnie minière s’installe sur un territoire autochtone, il y a des manifestations, des poursuites judiciaires, les chefs de la communautés se retrouvent en prison, mais malgré cela, en bout de ligne, ils ont fini par avoir gain de cause. La cour et le gouvernement canadien ont fini par reconnaître qu’il faudrait avoir le consentement de la communauté. Avec des lois ambigües, il y a eu des gains. Ce n’est pas parfait parce que le ministre canadien des ressources naturelles conserve le pouvoir ultime d’accepter ou de refuser un projet d’exploitation minière. C’est à peu de chose près la même chose un peu partout à travers le monde. À mes yeux, l’acceptabilité sociale des projets d’exploitation est primordiale. Si l’entreprise n’est pas capable de convaincre les gens qui habitent sur place, l’entreprise ne devrait pas avoir le droit d’exploiter les ressources naturelles. Ce sont les habitants de l’endroit qui devraient avoir le dernier mot. J’ai aussi participé à une assemblée de convergence des Premières nations. C’était plus une conférence qu’une assemblée. Ce sont les Premières nations qui nous parlaient et c’était correct comme cela parce que nous avons beaucoup à apprendre. Ils nous ont donné différents conseils sur comment s’impliquer et aider sans prendre la place. Pour cela, nous devons acquérir une certaine humilité si nous voulons aider sans prendre toute la place. Il y avait entre autre une famille algonquine du parc de la Vérandrie qui nous invitait à venir camper sur leur terre afin d’empêcher une coupe forestière. Comme cela arrive souvent, le conseil de bande n’est pas toujours l’amie des familles autochtones et cela arrive qu’il décide des choses qui nuisent à l’une ou l’autre famille. Le slogan de cette assemblée c’était que nous devons nous décoloniser l’esprit. Par exemple, une famille expliquait qu’elle vivait de la terre et qu’à cause de cela elle ne vivait pas le même rapport à son environnement que la famille qui va au supermarché. Cette distance fait que nous sommes moins sensibles à la destruction de l’environnement parce que nous ne sommes plus en lien avec la Terre-Mère. En ce sens, si le Canada est une nation colonisatrice, nous devons tous apprendre à nous décoloniser l’esprit car nous sommes tous dépossédés de quelque chose. Essentiellement, les Premières nations nous invitent à recréer un lien avec la Terre, de manière plus intime. Le sentiment qu’il y avait au Forum social, c’est que toutes les luttes convergent en une immense lutte pour la vie parce qu’il y a des gens qui luttent pour le droit à l’eau, le droit à l’air, le droit au sol, etc. Le sentiment d’urgence écologique pour sauver la Terre-Mère devient le sentiment qui nous rassemble tous et toutes. Moi j’ai assisté par curiosité au cercle des guérisons. Les personnes qui animaient le cercle de guérison était un couple d’Algonquins. Ce que j’ai trouvé intéressant c’était l’approche. Nous avions un bâton de la parole, nous étions peu nombreux et nous avons pris le temps de nous écouter. On nous donnait aussi du tabac ou de la sauge ou encore du sel, que nous aurions fait brûler si nous avions été à l’extérieur. J’ai trouver cela intéressant parce que cela nous permettait de nous exprimer librement. Nous avons pris le temps d’exprimer nos émotions. Comme cela s’appelait : Cercle de guérison, je me disais que serait un endroit pour me guérir de mes blessures. J’ai eu le plaisir de participer au même atelier que Renaud, pour moi cela a été une prise de conscience. Il y avait des choses que je savais déjà, de ce que le peuple blanc a fait subir aux autochtones, mais la manière dont l’atelier était construit nous amenait à ressentir et à vivre l’oppression et j’avoue que cela m’a fait mal. À quelque part, même si ce n’est pas moi qui l’ait fait, il reste que dans mon histoire de vie si on remonte quelques générations en arrière, j’ai été partie prenante de cette oppression. C’est venu chercher une grande colère au-dedans de moi contre mon peuple. Je me rappelle qu’au partage à la fin, lorsque nous avons fait un tour de parole pour permettre aux gens de s’exprimer, j’ai lâché un tabarnack ! Ceux qui parlaient anglais ont quand même compris. Au Canada nos sacres ont traversé les cultures. En même temps, j’ai ressenti le besoin de demander pardon pour l’oppression que nos ancêtres leur ont fait subir. À la fin, nous avons terminé par un chant de guérison. Mine de rien, il y avait des gens qui nous racontaient leur histoire dans les pensionnats et puis d’entendre les injustices qui ont été commises par les gouvernements en notre nom, cela démontre une volonté et une stratégie visant à réduire et à assimiler les Premières nations. Il y a quelque chose de conscient qui a été fait aux autochtones et c’est la même chose qui se passe sur les questions reliées à l’environnement et sur les grands enjeux de notre société. Il y a des hommes et des femmes qui ont fait le choix conscient de l’oppression pour favoriser certains intérêts économiques. On ne peut plus faire semblant que ce sont simplement des erreurs du passé. La question autochtone a donné une couleur particulière au Forum social des peuples, notamment lors de la grande marche. Il y avait un gros tambour qui donnait le rythme de la marche comme un grand cœur qui bat. C’était émouvant d’y être. C’était beau de voir la diversité des horizons qui disaient : « Nous sommes tous ensembles ! » Des êtres humains capables de se tenir debout parce que nous n’en pouvons plus de vivre à genoux. Une rencontre inoubliableLe Forum social a été une occasion de rencontrer des gens en chair et en os plutôt que par internet. Il y avait un gros élément d’apprivoisement dans le Forum social. Les technologies peuvent améliorer les communications, mais cela ne remplacent pas la rencontre physique de tous ces gens. J’ai participé à un atelier donné par Nicole Lebrasseur qui a parti un mouvement qui s’appelle : « I accuse ! » Cela signifie, ma prise en charge de ma propre citoyenneté à titre d’enfant de la Terre, libre et autonome. Elle est en train de faire signer cette déclaration par tous les Canadiens et les Canadiennes pour apprendre à décoloniser notre esprit, pour dire que nous sommes des êtres libres sur la Terre-Mère et que nous avons le droit de nous développer, de croître et de grandir en harmonie avec la Terre. Nous n’avons pas à nous asservir aux oligarques et aux marchés financiers. Ce simple geste d’assumer sa propre responsabilité, je trouve que c’est un geste positif et j’ai mis cette femme en lien avec un groupe qui travaille à la constituante du Québec parce qu’être citoyen cela commence par une liberté intérieure. Tu ne peux pas être citoyen de plein droit si tu n’as pas à l’intérieur de toi un sentiment profond de liberté. Je trouvais son travail très généreux et altruiste. Je pense qu’elle fait faire une démarche à des gens et je trouve cela le fun que cela soit une algonquine qui ait initié ce mouvement-là. La première chose que j’aimerais dire, c’est ce qu’Yves a présenté comme l’orientation fondamentale des forum sociaux. Ce sont des processus, comme le sont nos vies d’ailleurs. L’épine dorsale des mouvement sociaux, parce qu’un autre monde possible est déjà là, il est en construction, ça on le sait. À l’intérieur de nous, dans la mesure où l’on se décolonise, et dans le mouvement social qui avance. C’est donc un processus qui commence par le bas et non à partir d’en-haut comme les autres changements qui nous sont proposés. Ce changement doit avoir lieur parce qu’il s’agit d’une question de vie ou de mort pour notre espèce. Bien sûr, lorsque cela vient du bas c’est plus lent au début, mais lorsque cela prendra de l’ampleur, cela sera impossible à arrêter. Pour ce qui est du thème des amérindiens, j’étais curieux de voir ce que font les Zapatistes. Ils se définissent comme un mouvement social, pacifiste, s’ils ont des armes c’est simplement pour se défendre parce qu’ils se font attaquer. Il y avait 90 personnes qui assistaient à cet atelier. L’ambiance était extraordinaire. Et finalement l’événement central, c’était que les Zapatistes luttent pour leur auto-détermination. Quand on parle de l’autodétermination d’un peuple ou de l’autogestion, de tout ce qui sort de la domination qui existe, ce n’est pas évident parce que nous avons tous intégré l’idéologie qui nous dit que nous avons besoin d’être dirigés. Comment voulez-vous qu’une entreprise fonctionne s’il n’y a pas un capitaliste pour la diriger ? Mais l’économie du monde a fonctionné pendant 99% de son histoire sans capitalisme et sans argent. Quand on parle d’autodétermination, on nous dit que c’est impossible de prendre sa vie en main, mais ce n’est pas ce que nous enseigne l’histoire. La normalité, c’est que nous vivions comme des frères et des sœurs et pas comme des ennemis. Au niveau général, je commencerais par dire qu’il faut se souvenir qu’il y a vingt ans, il y a eu une commission royale d’enquête sur les peuples autochtones au Canada. Développement et paix avait participé à la rédaction d’un mémoire qui avait été présenté à cette commission. Les évêques nous avaient demandé de l’information parce qu’ils ne savaient trop quoi dire à ce propos. Dans les conclusions, on parlait déjà des pensionnats autochtones. Il est écrit que le Canada a été construit sur un immense mensonge. Alors, la vérité doit être faite par la base et c’est aux citoyens de la faire. » Il y avait plusieurs autres suggestions, mais la plus fondamentale provenait des citoyens : « Ce pays ne peut être recréé que par ceux et celles qui l’habitent, en une rencontre des uns et des autres. » Ce rapport osait dire que la Canada était construit sur le mensonge et une injustice. Le titre du mémoire était : « La justice comme un fleuve puissant ». Il y avait aussi dans ce rapport un aspect spirituel dont les auteurs étaient conscients. Comment cela va changer ? D’où cela va venir étant donné que nous dormons dans notre confort ? C’est venu des autochtones. Cela a commencé timidement avec les excuses publics du gouvernement fédéral envers les Premières nations pour les pensionnats, et cela a aboutit à Idle no more. Et s’il n’y avait pas eu cela, le Forum social des peuples au Canada n’aurait jamais pu exister parce que les autochtones mettent en relief le mensonge sur lequel toute notre histoire politique est construite. Donc, ils sont des révélateurs même s’ils sont peu nombreux. C’est mon premier point pour lequel je remercie nos frères autochtones. Deuxième élément, j’ai rencontré des autochtones, mais je ne suis pas allé à beaucoup d’ateliers. Par compte, il y avait une Anishnabe qui animait un atelier de convergence sur l’agriculture et l’alimentation. Alors nous étions une vingtaine de personnes de toutes les parties du Canada, très mélangés culturellement. C’était très multiculturel. Les trois quarts du monde parlait français, et un autre trois quarts parlait aussi anglais, et il y avait au moins une moitié des gens qui étaient bilingues. Alors c’était facile de se comprendre. Mais la participation de cette amérindienne a été intéressante parce que devant les défis que nous avions à relever, elle nous situait dans le rapport à la terre qui nous nourrit à travers toutes les ramifications des conglomérats de l’agro-alimentaire au Canada. Ce que les autochtones vivent depuis deux à trois siècles en Amérique du Nord, vous être en train de vivre le même processus de dépossession de la terre à cause de la mécanique économique dans laquelle vous êtes embarqués. Alors, nous avons un combat commun si nous voulons avoir un véritable rapport à la terre qui ait un avenir pour les générations futures. Évidemment, il y avait de très belles paroles, mais ils sont obligés de s’inscrire dans la durée, dans les saisons, dans le temps. Dans cette démarche, j’étais très présent au forum social. Il faut inscrire la démarche dans le rythme du temps et de la nature. Les choses ont besoin de mûrir, et il y a des choses qui ne s’imposent pas. Se décoloniser cela implique aussi notre façon d’intervenir. Alors tout le monde était d’accord pour dire que si nous changions de gouvernement, cela ne changerait pas fondamentalement les choses. Si on n’agit pas cela ne fait rien. Cette personne nous a permis d’avoir une perspective sur l’agriculture et l’alimentation qui est décolonisée. À la fin nous avons convenu que pour donner suite à cette assemblée de convergence, il faudrait participer au Sommet du réseau pour une agriculture durable qui aura lieu à Halifax au mois de novembre prochain. C’est quelque chose qui est travaillé vraiment à partir de la base. Un exemple concret, il y avait des gars de la région de Toronto qui ont démarrer une banque de semences locales à la bibliothèque municipale pour que les gens puissent échanger leurs semences. Alors, il y a des cours pour conserver les graines et on vient les échanger gratuitement à la bibliothèque. On se prépare déjà à affronter les nouvelles lois qui vont interdire l’utilisation des semences. On commence au Canada et on le fait dans des lieux publics, à la bibliothèque. C’est ainsi qu’ils ont choisi de s’attaquer au brevetage du vivant. Bref, selon moi, le Forum social des peuples n’aurait pas eu lieu s’il n’y avait pas eu la participation des peuples autochtones. J’ai été à l’assemblée en soutien aux peuples autochtones et ce qui m’a marqué, c’est qu’à chacun des ateliers où je suis allé, même si ce n’était pas le sujet, on notait la présence d’autochtones. Ils ont pris leur place et j’ai trouvé cela vraiment intéressant. Entre-autre, à une conférence qui portait sur l’indépendance du Québec, un Mohawk a parlé de l’identité homme– femme et de l’importance du respect de l’identité versus chaque individu. J’ai trouvé cela très intéressant. Un de mes moments préférés du Forum, c’est lorsque la marche s’est terminée devant le parlement, un amérindien a dit en anglais : « Don’t speack with anger, speack with faith. » (Ne parlez pas avec colère, mais avec conviction.) J’ai trouvé ce moment très beau parce que nous sommes souvent fâchés dans nos luttes, et on est frustré, alors j’ai trouvé cette intervention inspirante et je voulais le partager avec vous. Moi aussi j’ai relevé quelques points importants par rapport à la solidarité avec les autochtones. J’ai trois points. Premièrement, j’apprends de plus en plus à avoir cette attitude lorsque je rencontre des groupes autochtones, c’est ce que nous a dit au début une ainée Anishnabe : « Vous vous trouvez sur un territoire autochtone non cédé. » Donc, tu n’es pas d’abord à Ottawa, mais sur un territoire non cédé Anishnabe et tous les territoires au Canada sont des territoires non cédés. Quand nous sommes à Québec, par exemple, nous devons reconnaître que nous sommes à la fois sur un territoire Wendat et Malécite qui habitaient le long des berges, en territoire abénakis. C’est vraiment un renversement de perspective et cela représente également un modèle de résistance terrain contre les oléoducs où j’ai été. Il y avait un autochtone qui était très impliqué dans Idle no more puis ils ont fait des blocus dans leur village en Alberta. En Colombie-Britannique il y a un campement où les gens se relaient depuis deux ans pour empêcher le passage d’un oléoduc sur leurs terres. Les gens sont super organisés, mais c’est sur le terrain, dans l’action que cela se passe. Dans la manière de s’organiser nous pouvons Présence autochtone au Forum social des peuples prendre exemple sur eux et nous pouvons les voir comme des modèles. Il y a quelque chose que Naomi Klein a dit que je trouve central aussi : « Au Canada, autant lorsque l’on parle du féminisme, de l’environnement, du droit à l’autodétermination, ce sont les peuples autochtones qui vivent l’oppression la plus extrême du modèle néolibéral. Nous vivons cette même oppression, mais à un degré moindre. À tous les niveaux, les autochtones sont les pus opprimés, ne faisons qu’évoquer la violence faite aux femmes. Ils vivent fortement la destruction de l’environnement et le non respect des droits de la personne. De sorte que toutes nos luttes devraient avoir comme point de départ la solidarité avec les peuples autochtones. » Je pense que cet aspect doit demeurer central. Un autre point concerne ce qui s’est passé au Forum social des peuples, c’est qu’il y a eu un début d’apprivoisement qui exige beaucoup d’écoute de la part des non-autochtones. Je pense que dans la forme et le contenu du Forum, il y a eu beaucoup d’efforts réalisés en ce sens, mais même encore là, on s’entend que le Forum c’est quelque chose qui demeure en processus. Par exemple, j’ai observé qu’il y avait des structures qui n’allaient pas proprement avec les manière de faire autochtones. Et pour conclure, quelque chose qui m’a marqué plus particulièrement, c’est la sensibilité des autochtones aux rituels. Ce que nous faisons présentement en réalisant un tour de parole, pour eux, même dans une rencontre très formelle, l’échange de parole est sacré et chaque rencontre humaine débute par un rituel. Je pense que cela appartient, que nous soyons croyant ou non, aux dimensions spirituelles, d’humanité et de fraternité, de commencer nos rencontres par un moment comme cela. Je pense que nous avons perdu cela dans la culture occidentale. Ce sont les points essentiels que je retiens de ma participation au Forum social des peuples en lien avec la question autochtone. Nous savons que toute oppression fait partie d’un système, cela constitue un ensemble. Donc, l’oppression et la domination ethnique, de genre et des classes sociales, cela forme un tout et quand nous sommes solidaires avec les autochtones, les femmes ou avec les appauvris, nous le sommes aussi avec nous-mêmes. Des expériences réalisées à partir de la baseTu as dit que ce sont tous les peuples autochtones au Canada qui n’ont jamais cédé leurs territoires. Quand est-il alors de la Convention de la baie James avec le peuple Cris (1975) ? C’est vrai que ce cas constitue une exception. J’admets que certains traités ont été signés et que des terres ont été cédées, mais est-ce que cela fut fait en pleine conscience surtout que pour les Première nations le concept de propriété de la terre n’existait pas ? Les gens, dont les ancêtres ont cédé des terres par certains traités, disent cela aujourd’hui. Ce ne fut pas un consentement libre et éclairé, et les compensations étaient dérisoires. Comme reflet du climat général au Forum social des peuples, il y avait un bel esprit de cohésion. J’en ai manqué des bouts parce que je comprends pas beaucoup l’anglais. Pendant l’assemblée de convergence des peuples autochtones, quelqu’un a fait appel à la générosité des participants pour aider à défrayer les frais de transport de ceux et celles qui venaient de l’autre bout du pays et en quelques minutes ils ont rassemblés plusieurs milliers de dollars. Ce fut un bel exemple de solidarité. Je vous ai écouté, j’ai une question à poser. Qu’est-ce qui se passe dans le concret, dans le terre-à-terre ? Qu’est-ce qui ai décidé et qu’est-ce que nous avons à faire dans telles affaire ? Est-ce qu’il y a des actions concrètes pour combattre le néolibéralisme ? Est-ce qu’il y a des actions concrètes qui ont été décidées là-bas pour qu’il y ait un changement réel ? Puisque comme j’ai dit tantôt, ils sont dépendants de l’argent, c’est une maladie, il y en a qui sont fous ben raide de l’argent. Tu fais quoi devant des multimilliardaires qui font ce qu’ils veulent, qui se paient des gouvernements en Afrique, en Amérique du sud et dans les pays du tiers monde où les compagnies font ce qu’elles veulent ? Quand cela ne fait pas, elles quittent. Ils ont l’argent, qu’est-ce que nous avons ? Quelle action a été décidée pour nous dire quoi faire ? Ce que je peux vous dire de mon expérience au Forum social des Amériques, c’est que ce sont des expériences de la base qui viennent se dire et échanger leur expérience. C’est comme une session d’université qui a lieu sur trois jours avec des centaines d’ateliers sur tous les sujets imaginables, dans une perspective d’alternatives au projet macro-économique néolibéral. Ce sont, pour l’essentiel, des expériences variées qui proviennent de différents endroits dont les acteurs vont se mettre à échanger sur les obstacles qui ils ont surmontés et les solutions originales qu’ils ont trouvées pour résoudre leurs différentes problématiques ainsi que des résultats surprenants ou inespérés qui sont apparus en cours de route. Parce que ces expériences écologiques, si l’on prend ce domaine d’activités, sont aussi vécues comme des expériences d’innovations sociales, comme des lieux d’apprentissage et de socialisation qui permettent un retour aux origines, à la maîtrise d’un territoire et d’une culture. C’est tout cela l’Altermondialisme. L’idée fondamentale est de fédérer toutes ces expériences et ces modes de vie pour permettre l’émergence d’un discours autre. Cela peut aussi être des intellectuels qui travaillent sur le fonctionnement des instances démocratiques, le crédit bancaire, les législations, les réformes constitutionnelles nécessaires, etc. pour contrer le bulldozer néolibéral qui allient dans son jeu les législateurs, les institutions financières, les médias de masse et les facultés universitaires qui sombrent dans le discours unique. La foi ou la conviction du Forum social, c’est que nous parvenions à unir les micros expériences en provenance de la base dans un mouvement social porteur de sens et de valeurs communes et plurielles, cela finit par faire une grande force. C’est pourquoi, le changement, comme disait Victor, il est déjà commencé. Quand tu fais de l’agriculture biologique et que tu te mets à manger végétarien pare que tu refuses qu’on maltraite les animaux, tu te mets en résistance par rapport au système et cela fait mal aux capitalistes parce que tu cesses de leur donner de l’argent. Qu’est-ce qui se passe avec la question de la disparition des femmes autochtones ? Est-ce que cette question a été bordée au Forum des peuples ? C’était plus qu’un atelier, c’est un thème qui revenait sans cesse. Il y a eu une grosse manifestation à ce sujet. La demande actuelle, c’est une commission royale d’enquête , mais je ne suis pas convaincu que cela soit suffisant. Le gouvernement fédéral semble refuser cette idée actuellement. J’aimerais revenir sur la question d’une intervenante précédente à savoir : « Qu’est-ce qu’on peut faire concrètement ? » Une phrase éditoriale de ma part ce serait : Le défi c’est de convaincre beaucoup de gens à travers le Québec. À mon avis, nous sommes encore minoritaires mais cela ne signifie pas que nous le soyons à l’échelle de la planète. Au Québec et au Canada, nous avons du travail à faire pour faire passer cette vision différente et donner l’espoir qu’on peut très bien vivre autrement. Pour faire justice au Forum social, j’aimerais nommer quelques enjeux qui étaient présents dans les ateliers. Exemple, il y a la Campagne « Coule pas chez nous ! » qui est constituée d’innombrable comités de base à travers les différentes régions du Québec qui luttent à la fois contre les pipelines et les gaz ou pétrole de schiste ainsi que l’exploitation pétrolière dans le golfe du Saint-Laurent. À Québec, souvent on ne voit pas ces enjeux parce que cela ne nous touche pas directement alors qu’il s’agit d’une grosse mobilisation qui provient de la base. Il y a aussi la question de l’Accord de libre-échange Canada-Europe qui est négocié en secret sans aucune consultation. C’est un peu un mensonge parce que ce n’est pas vraiment du libre-échange puisque nous ne pouvons pas refuser de faire affaire avec l’Europe pour des contrats publics. Ces accords donnent surtout des privilèges aux entreprises étrangères, par exemple, elles peuvent poursuivre les différents États lorsqu’ils légifèrent en matière d’environnement. Des exemples concretsUn autre exemple davantage porteur d’espoir, Emilie, Robert et moi avons été dans un atelier qui parlait des stratégies pour convaincre une ville de rendre le transport en commun plus accessible. À Guelph en Ontario, ils ont un forfait spécial pour les gens à faible revenu. Donc, on peut prendre cet exemple et le ramener ici pour questionner nos élus municipaux. Je ne peux pas nommer les cent enjeux, mais un que je pense central, c’est la question des compagnies minières. Qu’on le veuille ou non, nous avons malheureusement une responsabilité parce que ces compagnies se disent canadiennes. Il y a une campagne au Québec qui s’appelle le fil de l’argent, que je vous invite à découvrir. C’est pour nous rappeler que nos fonds de pension de vieillesse aident parfois des compagnies qui violent les droits humains. De fait, le gouvernement canadien permet aux compagnies minières de faire n’importe quoi. Il n’y a aucune limite et les compagnies peuvent violer les droits de toutes sortes sans avoir jamais aucune conséquence au Canada. On essaie de voir à travers les fonds de pension et les syndicats si on peut faire quelque chose. L’Arc-en-ciel c’est un service de santé mentale qui est offert dans Portneuf. La santé mentale c’est pour tout le monde. Quand on en parle, c’est qu’on l’a perdue. Il y a des moments où c’est important de faire appel à des ressources pour t’aider à te situer dans ton cheminement. Si quelqu’un pense au suicide, il faut qu’il appelle à l’aide. Moi, j’ai une amie qui est passé à l’acte et j’ai eu de la misère à vivre avec ça. L’Arc-en-ciel est là pour nous aider. Ils vont vous dire comment passer à travers même si ce n’est pas facile et qu’il faut aussi que tu t’aides toi-même. C’est important d’avoir des ressources pour pouvoir s’aider parce que tout seul des fois tu as beau essayé, mais ce n’est pas toujours assez. Au Forum social nous avons animé un atelier sur la santé mentale. La santé mentale c’est une question qui est présente partout sur la planète. Personnellement, je trouve qu’aucune décision n’a été prise. C’est comme si on remettait aux participants la responsabilité de créer leurs propres initiatives. Prenez des décisions personnelles pour mener le changement que vous voulez plutôt que d’imposer une décision à tout le monde. J’ai relevé quelques incohérences au cours de ce forum. Par exemple, on invitait des enfants à dire des slogans au moment ou on prenait une photo de groupe. C’est aussi leur imposer nos idées si on leur dit de répéter des slogans dont ils ignorent le sens. Même si cela parait anodin, on invite les jeunes à entrer dans une logique d’autorité où ils obéissent sans se poser de questions. Les jeunes ont répété ce qu’on leur a dit de dire sans trop comprendre ce qu’ils disaient. Ils venaient de perdre leur identité propre pour devenir ce qu’on voulait faire d’eux. D’une certaine façon, on les encourageait à entrer dans le système qu’on prétend combattre. C’est intéressant comme observation. Comme quoi la décolonisation ce n’est pas facile. Un autre exemple. Un jeune a découvert qu’il aimait utiliser un sifflet se mettre dehors, et un peu plus tard on les amène à la manifestation et on leur demande de faire du bruit et de siffler. Ce qui était interdit devenait ce qu’ils devaient faire. J’aurais aimé participer à l’assemblée de convergence sur la démocratie. Concrètement la démocratie cela veut dire que c’est sensé être le peuple qui décide. Sauf que cela veut dire qu’il faut tenir compte du point de vue de tous, des présents et des absents. J’aimerais exposer deux principes : 1) Pour toute décision qui a un impact décisif sur ma vie, j’aimerais avoir la possibilité de l’appuyer ou de la rejeter ou de laisser une autre personne décider à ma place. 2) J’aimerais savoir ce que toutes les personnes concernées en pensent. Est-ce que je suis le seul à penser comme ça ? Si je suis seul, j’oublie ça, mais s’il y a une majorité qui dit c’est ça qu’on veut, c’est la démocratie qui s’exprime. L’atelier qui a été le plus significatif pour moi, s’intitulait : « Révolution citoyenne dans le respect des limites de la planète. » En gros, peu importe ce que nous faisons, si nous ne respectons pas les limites de la planète, c’est voué à l’échec comme si quelqu’un voulait construire un château sur du sable mouvant. Il aurait beau avoir le meilleur architecte au monde et avoir le plus beau projet, cela ne respecte pas les limites de l’endroit où il veut le mettre. Pour moi cet atelier était au-dessus de tous les autres. Tous ceux et celles qui ont participé s’étonnait du fait qu’on ne les entend pas dans les médias. On nous coupe les micros a été leur réponse. Ils ne nous laissent pas parler parce que cela dérange trop. Peut-on vivre sans le système capitaliste ?Moi, je ne me considère pas vraiment comme un altermondialiste ou comme un anticapitaliste. Il me semble que tout n’est pas si mauvais que cela dans le gros système. Il doit y avoir un moyen pour le réformer pour que ce ne soit pas si négatif que cela de faire un peu de profit au moins ? Si tu opères une entreprise, tu fais travailler des gens, mais tu dois faire un peu de profits pour pouvoir te payer. Nous ne sommes pas contre la libre-entreprise, mais contre les oligopoles qui monopolisent certains secteurs de l’économie. J’ai assisté à un atelier donné par un professeur d’économie, Robert Bibeau. Il nous disait que nous ne pouvons pas combattre la mondialisation. Elle est déjà là et elle va rester en place pendant plusieurs années. Cela ne sert à rien de se révolter contre ce système. Ce n’est pas comme cela que le problème va se régler. La violence ne va pas régler le problème. L’unique solution à ses yeux était le socialisme. Oui, mais on peux choisir de le boycotter à vie. Monsieur, vous avez dit tout à l’heure que le système capitaliste n’existe que depuis 300 ans. Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation, cela remonte à l’Empire romain. Par quoi est-ce qu’on va remplacer le système capitaliste si on l’abolit ? Le problème de la gauche c’est qu’il n’ont pas de solutions de remplacement du système global. Oui, mais il y a 7 milliards de personnes à nourrir sur la planète. On n’a pas besoin d’argent pour nourrir la planète, on a besoin de chaque individu constituant l’espèce humaine. C’est une question très valable parce que cela représente ce que beaucoup de gens pensent à cause de la désinformation. Moi, j’ai pu observer les deux systèmes fonctionner et je serais d’accord avec toi si j’étais rester dans la théorie marginaliste qui vient valider toute la théorie capitaliste. Tu as parfaitement raison comment on va nourrir les gens si on fait tout tomber d’un seul coup. Mais c’est pas ça l’idée. Le modèle capitaliste comme tel n’a plus d’avenir. Pourquoi ? C’est à cause de sa dynamique interne. C’est comme un train fou ou un avion sans pilote qui n’est plus capable de s’arrêter. Il faut qu’il produise toujours plus, sinon il tombe. Dans un modèle comme ça, avec une planète finie, dans le sens que ses ressources ne sont pas infinies, les réserves des ressources fondamentales font que notre situation devient de plus en plus critique. Ce modèle n’est pas viable. Il y a des gens qui se sont dit : « Il n’y a rien à faire, on fonce là-dedans et on s’en va dans la destruction de notre espèce et de la planète. » Donc, l’Altermondialisme cherche des alternatives au système de destruction massive de la planète. Notre stratégie, ce n’est pas la violence. On construit à partir de la base, ces alternatives diverses. C’est ça qui est formidable aujourd’hui. Cela ne vient pas d’un parti politique, ça ne vient pas d’une élite, cela vient des gens avec des expériences valables ou non, c’est ce qui est en train de se produire. Je ne suis pas allé au Forum social, mais j’ai visionné la conférence de Naomi Klein et j’ai mis le nez dans le programme, etc. Je n’ai pas vu dans tout cela des solutions structurantes, fortement orientées sur la nature humaine, synchronisées avec les différentes cultures, durables et orientées dans le sens de se construire individuellement et collectivement une société locale, mais aussi mondialisée. C’est beaucoup de mots que je viens de vous défiler, et c’est quelque chose à quoi je réfléchis activement depuis 2012, en observant tout ce qui se passe, les forums sociaux et les décisions politiques qui sortent dans les médias. Par exemple, le premier ministre du Canada a décidé qu’il n’allait pas à New York pour les travaux préparatifs pour Paris 2015 sur le climat. Il a envoyé pour nous représenter sa ministre de l’environnement qui est d’une incompétente scientifique notable. Il n’y a qu’à lire ce qu’elle a dit à l’occasion d’autres conférences pour s’en apercevoir. L'architecture sociale et théorie de la société civileLe point que j’aimerais amener c’est que dans les recherches que je poursuis, j’essaie de tenir compte de tous ce éléments-là et de construire quelque chose de structurant pour la société et le monde. Quand je dis que je travaille à partir d’en-haut, c’est ce que je veux dire. Je cherche à construire un modèle qui tiendrait compte de nos objectifs de société, mais il est certain qu’un modèle comme celui-là ne peut se concrétiser sans un travail qui se réalise à la base. Je suis architecte en informatique, je conçois des systèmes informatiques, je ne suis pas programmeur, je fais des plans pour répondre à des besoins. Il y a des gens en-dessous de moi qui réalisent ces plans-là, ils construisent des systèmes informatiques qui fonctionnent. J’essaie de réaliser la même chose avec le système social en m’efforçant de concevoir une démocratie. Mais une démocratie c’est compliquée. Comment cela peut-il fonctionner alors que nous serons bientôt 8 milliards d’individus sur la Terre ? Comment est-ce qu’on peut mettre en place des outils, des moyens, pour pouvoir tenir compte de 8 milliards d’opinions sur un enjeu social mondial pour arriver à prendre une décision qui pourrait nous permettre d’établir des consensus. C’est à genre de mécanismes d’organisations sociales auquel je réfléchis pour leur donner des formes structurantes. Une fois que ce modèle sera créé, il faudra le mettre à l’épreuve par des discussions avec d’autres gens. L’idée serait d’engendrer une dynamique sociale à partir de la base. D’après moi, en procédant de la sorte, nous allons probablement arriver à reconstruire à partir de la base un système social qi va couvrir la démocratie, l’économie non monétaire et non capitaliste, la législation, la justice, la culture, tous les aspects qui couvrent la société en répondant aux problèmes sociaux que tout le monde vit dans toutes ses limites. J’en ai beaucoup dit et c’est sur cela que je travaille. Ce que je vais dire s’articule très bien à la dernière intervention. Moi je réfléchis là-dessus depuis 35 ans. J’essaie de construire une théorie de la société civile qui tient compte de toutes les dimensions de l’être pour faire en sorte que les gens se prennent en main. Et tout cela a également besoin de la spiritualité pour fonctionner. Ceci m’amène à répondre à la question de l’action concrète. L’action, selon le philosophe Maurice Blondel, est une synthèse de trois choses : « Synthèse de la connaissance, synthèse de la pratique, et le vouloir. » Or, entre la pratique et la théorie, il doit y avoir une dialectique et ce rapport n’est pas directe, il n’est pas nécessaire. Croire qu’il est nécessaire, c’est tomber dans le piège de ceux et celles qui nous dominent. Entre les deux, ce qui fait le rapport entre la théorie et la pratique, c’est l’être. D’abord dans sa dimension spirituelle, si tu n’as pas d’autonomie spirituelle, tu ne peux pas choisir les bonnes actions à entreprendre, et tu ne peux pas choisir non plus le savoir dont tu as besoin. Et pour arriver à faire cela, il faudrait aussi répondre à la question de monsieur. Cela serait intéressant de faire un carrefour de savoir sur cette question avec ceux et celles qui seraient intéressés à travailler ces questions. On pourrait faire un carrefour de savoir sur le capitalisme, ses origines et son fonctionnement. Brièvement, ce que je peux dire, c’est que la capitalisme naissant au moyen-âge en Europe, était tenu en laisse par une spiritualité, que l’on peut questionner certes. Dans les campagnes, le capitalisme a été lâché lousse. C’et dans le système des enclosure en Angleterre que le capitalisme va triompher en s’accaparant des terres communales. Et par le rural, il a détruit l’urbain et il le détruit encore. L’automobile c’est du rural. C’est ici qu’on rejoint les amérindiens d’Amérique du nord et du sud, c’est le rapport à la terre qui est fondamental parce que le capitalisme est impossible s’il n’y a pas un contrôle privé de la terre, un contrôle de l’entreprise de la terre. À partir du moment où la valeur qui est attaché à l’être humain et à la terre disparait et qu’il devient monnayable, on enlève toute valeur à la société, dans nos esprits on détruit tout et c’est exactement ce qui est en train de se passer. La première défense que nous devons avoir c’est au niveau spirituel. Se prendre en main, acquérir son autonomie, penser par soi-même, et ne pas attendre que les autres nous disent quoi faire, parce que l’autre peut être un tyran, alors il faut vraiment apprendre à s’autodéterminer et à travailler ensemble. L'argent, maudit argentMoi, j’ai donné un atelier qui s’appelle le RSUG, le Revenu social universel garanti. Nous avons eu 27 participants. Si parmi vous des gens seraient intéressés, l’ADDS-QM et le Front commun des personnes assistées sociales ont monté une formation que nous offrons dans les groupes. C’est un enjeu primordial parce que dans un sens, ce que nous voulons, c’est un même montant d’aide pour tous : retraités, étudiants, chômeurs, accidentés du travail, personnes malades ou assistés sociaux. Dans le monde de la finance mondialisé, il est facile d’observer que l’argent est devenu virtuel. Les sommes qui circulent entre les ordinateurs des banques n’ont pas d’équivalent en monnaie ou encore moins en réserve d’or. La monnaie papier a toujours été quelque chose de symbolique et d’imaginaire inventée par l’homme, créé et géré par les gouvernements. Sauf que le problème avec un système de symboles imaginaires inscrit dans les circuits des ordinateurs, c’est que nous ne savons pas ce qui va remplacer ça, mais à l’intérieur de chaque individu nous sommes confrontés avec ce problème dans notre vie. Est-ce que je dois consacrer tout mon temps à la recherche de cette chose imaginaire qu’on nomme l’argent ou est-ce que je vais consacrer plus de temps à une vie réelle et satisfaisante ? Chacun de nous fait ce constat et certaines personnes, à cause d’un accident de naissance, de leur famille ou d’une astuce, réussissent à gagner des milliards de choses symboliques et imaginaires. Donc, si le système s’organise pour que les grands ordinateurs dans les grosses banques mondialisées contrôlent toutes ses choses imaginaires qu’on nomme l’argent, cela ne représente rien pour moi. Le système peut disparaitre lorsque les gens s’apercevront que les dés sont déjà pipés. C’est perdu parce que c’est un bien imaginaire qui est désormais contrôlé par la cybernétique. Je ne suis pas une grande banque, je suis une personne et l’argent n’a rien à voir avec la réussite de ma vie. Et toutes personnes ayant une vision globale de ce qui se passe sur la planète actuellement, peut reconnaître que l’argent ne peut pas servir comme étalon pour mesurer la réussite de sa propre vie, ni pour la collectivité. C’est stupide, donc ça va disparaître. Il le faut. C’est clair ce qu’il dit, l’argent ne constitue pas un fondement solide pour le vivre ensemble. Je trouve que la question sur ce qui pourrait remplacer l’économie capitaliste apparait très pertinente parce qu’elle se situe à la base même de l’idée du forum social. La plupart des ateliers qui ont eu lieu au Forum étaient des propositions de solutions partielles au problème du capitalisme et de la mondialisation de l’économie. Le Forum est une critique du système capitalisme en sous entendu dans tous les ateliers. La totalité des altermondialistes s’entendent sur une chose, c’est de réprimer les excès du capitalisme. Il existe une diversité très grande de solutions qui sont proposées. Le Forum était une tentative pour essayer de s’entendre et de se coordonner sur quelques solutions, mais il y a encore beaucoup de travail à faire là-dessus. Il est vrai que les mouvements sociaux au Québec et à travers le monde ne proposent pas une solutions très claire et je trouve même que nous ne prenons pas le temps de parler de cette question. Quel est le projet de société que nous voulons ? Et la question qui tue c’est : Quelle est la démocratie que nous voulons ? Simplement sur cette question, il y a plusieurs points de vue qui ne s’entendent pas. Les gens n’arrivent pas à trouver une solution claire sur la démocratie qu’ils veulent. Mais si nous arrivons à établir un consensus sur le genre de démocratie que nous voulons, je pense que nous allons être beaucoup plus forts pour avancer. Pour l’instant, il n’y a pas d’entente. Pour conclure en deux phrases, j’observe ce problème présent au sein même de nos comités et de nos collectifs. C’est là qu’on apprend à vivre la démocratie et nous ne sommes pas sortis du bois. Nous avons beaucoup de travail à faire à la base de nos comités comme collectif avant de pouvoir dire que nous sommes réellement démocratiques et collectifs. Je voulais conclure sur ce qui m’a touché au Forum social des peuples, ce que j’ai beaucoup aimé, c’est ce sentiment que nous sommes tous et toutes ensembles. Et ce sentiment d’unité pour des trucs de base qui se rapportent à la vie de tous et de toutes comme le droit à l’eau potable, à respirer de l’air non-pollué. La mission écologique nous unit tous et toutes en bout de ligne parce que c’est très concret. Ma conclusion, c’est que dans la ville de Québec, dans nos réseaux, je ne ressens pas autant cette préoccupation très présente chez nos militants. On ne parlera pas des Premières nations si cela ne nous touche pas à Québec, ni des compagnies minières ou pétrolières. Cette solidarité là, je la ressentais beaucoup au Forum. Mon intervention rejoint les deux dernier points qui viennent d’être soulevés par Michaël et Fernand. Il ne faut pas penser qu’une solution ralliait tout le monde. Chacun des groupes apportaient leur solution et nous sommes repartis avec ce qui s’est passé, chacun de notre côté, et nous poursuivons le processus en sachant quel groupe travaille sur telle action concrète. Aussi, je trouve intéressant ce qui s’est passé dans le groupe parce Daniel a soulevé un point différent, et tout le monde s’est mis à réagir. Il faut apprendre à écouter des points différents des autres. Je termine ici. Juste un mot pour dire que le processus des Forum sociaux débute après la chute du Mur de Berlin qui a marqué l’échec de la tentative des régimes socialistes d’Europe de l’Est. Avant cet événement, il y avait deux écoles de pensée qui se faisaient face, le capitalisme et le socialisme, et il n’y avait pas beaucoup de place pour des projets alternatifs qui s’inscrivaient en-dehors de ces deux modèles de référence. La théorie économique dans les deux camps était maîtresse de la réalité et le marxisme pouvait s’appliquer dans tous les pays du monde selon la même méthode. En 1989, la théorie socialiste tombe en lambeau et le néolibéralisme triomphe avec la mondialisation des marchés. Chico Witaker me racontait comment les militants de gauche au Brésil et en Amérique latine étaient désorientés après la chute du socialisme réel et ils ont choisi de réunir tous les secteurs de la société civiles, sans inviter les partis politiques, les groupes de base surtout, pour échanger sur leurs différentes expériences qui avaient été mises en place et qui fonctionnaient pour imaginer une alternative à la dictature néolibérale des marchés et des institutions bancaires sur les sociétés. Cette grande rencontre réunissait d’abord des groupes sociaux du Brésil à Porto Alegre en 1999. Je ne suis pas d’accord qu’il n’y pas eu de solutions concrètes qui ont été apportées. Il n’y a qu’à prendre l’assemblée de convergence sur les changements climatiques, localement ce sont des groupes qui sont super organisés. Moi je trouve que cela va propulser différentes actions localement. Pour les groupes qui ont pu se rassembler à cette occasion, cela constitue un levier important dans la coordination de nos luttes. Il y a eu une décision de prise concernant le dossier de la violence faite aux femmes autochtones, que le 8 mars 2015 il y aurait un volet particulier pour cela. Je pense qu’il y avait sans doute des gens qui y pensaient avant, mais cela a été amené et diffusé largement au Forum social des peuples et de nombreux groupes ont manifesté leur volonté de s’engager dans cette cause. C’est donc également un espace de diffusion. Concrètement, par rapport aux transports, j’ai assisté à deux rencontres où j’ai pu faire des super contacts. De Toronto, il y avait un groupe qui parlait de la gratuité des transports en commun : Free Toronto campain. Ce que j’ai trouvé intéressant, c’est que ce groupe a mené cette campagne qui a marché un temps, mais, constatant que cela n’avançait plus, ils ont décidé de se fixer un objectif à moyen terme qui est l’accessibilité sociale du transport en commun. Ils se sont joints à d’autres groupes et ont créé un organisme qui s’appelle PTC riders parce qu’à court terme ils n’arrivaient pas à obtenir ce qu’ils demandaient et que les gens se démobilisaient. J’ai trouvé cela super instructif de prendre connaissance de ce processus en cours à Toronto. Ils cherchent des moyens d’aller dans les banlieues pour rejoindre le public pour faire parler les gens et les sensibiliser aux injustices par rapport aux transports. Je leur ai parlé de l’enquête que nous avons choisie de mener au CAPMO et ils trouvent que c’était une bonne idée. D’autre part, la conférence qu’il y a eu sur le système de transport en commun d’Ottawa a été un bon exemple d’une campagne menée sur un enjeu clair. Les gestionnaires du réseau allaient couper une ligne qui desservait un secteur de la capitale et qui conduisait à un hôpital. Les citoyens se sont mobilisés pour dire qu’ils avaient besoin de cette ligne et ils l’ont fait avec l’appui des travailleurs de cet hôpital. C’était un enjeu précis, claire, atteignable à court terme, et ça a été un succès. Pour moi, un effet concret qu’a eu le Forum sur mon travail, c’est qu’ici, notre enquête sur l’accessibilité sociale du transport en commun, cela m’a donné beaucoup d’idées pour aller de l’avant. Les nouveaux paradigmes nécessairesAu Forum social, j’ai présenté avec un collègue un atelier qui s’intitulait : Le paradigme des pratiques en chantier. Cela rejoint la question des paradigmes et celle des pratiques concrètes. Où est-ce que nous en sommes actuellement du point de vue de la construction d’un autre monde possible. Juste pour donner une idée des réalisations que nous avons déjà juste au Québec, l’économie sociale représente près de 20 milliards de dollars du Produit intérieur brut. C’est déjà très concret. Ce sont des expériences de toutes sortes dont certaines sont peut être discutables, mais avec le temps, cela se décante et il en ressort des expériences extrêmement valables. Ceci dit, et cela peut sembler abstrait, mais les paradigmes, ce sont simplement les valeurs ou le spirituel comme disait Robert tantôt, qui orientent nos actions. Ce sont des choses fondamentales, les paradigmes sont semblables aux fondations pour les maisons. Il n’y a pas de maison sans fondation, c’est impossible. De la même manière, il ne peut y avoir de société sans valeur, ni de civilisation. Alors les paradigmes, de la manière dont nous les présentons en sociologie, ce sont les valeurs fondamentales du long terme. Alors quelles sont ces valeurs fondamentales qui sont en crise actuellement ? Nous vivons plusieurs crises qui se superposent, mais au fondement de tout cela se situe la crise du paradigme de la domination et de l’exploitation de l’être humain et de la nature. On confond le capitalisme avec l’exploitation qui elle est présente sur Terre depuis environ 10 000 ans. C’est un paradigme que je qualifie de guerrier et qui est en même temps tribal, dans le sens de limiter. C’est un paradigme qui vient des temps passés et qui aujourd’hui n’a plus la possibilité de continuer à s’imposer. Pourquoi ? Parce que le monde actuel dans lequel nous vivons n’est plus le monde d’il y a 50 ans et encore moins celui d’il y a 10 000 ans. C’est un monde en interrelation structurelle et très dynamique. Les gens qui travaillent dans l’informatique ou dans l’économie savent très bien de quoi je parle. Aujourd’hui, l’économie est en interrelation structurelle totale. Une action ici a une répercussion immédiate à Londres à Tokyo, partout. Le tissu social aussi est totalement en interrelation. Et plus que ça, nous sommes en interdépendance structurelle. Cela veut dire tout simplement que la vision tribale et guerrière du type c’est toi ou moi, je domine la nature comme je te domine, cela ne fonctionne plus. Pourquoi ? Simplement parce que la situation antérieure qui existait entre les personnes et les sociétés n’existe plus. Aujourd’hui, nous sommes interconnectés virtuellement et réellement, structurellement, donc ce modèle, par la situation actuelle n’a plus la possibilité de continuer à nous imposer ses valeurs. Donc, le modèle capitaliste en particulier qui doit produire toujours plus au dépend de la nature et des êtres humains, ne peut plus continuer parce qu’il y a devant lui un mur qu’il ne peut pas franchir et qui est celui d’une planète finie ayant des ressources limités. L’autre élément fondamental, c’est que les citoyens ont pris part dans l’affaire et veulent changer de direction. C’est ce que je voulais vous présenter. Je m’appelle Paul-Henry et c’est la première fois que j’assiste à une rencontre mensuelle du CAPMO. Je trouve cela très enrichissant tout ce qui a été dit. Comme je travaille en communication, je peux dire que ce n’est pas facile d’animer un groupe de 30 personnes où l’on souhaite donner la parole à tous. Cela demande beaucoup d’écoute, de tolérance et d’indulgence. Je souhaite que certains sujets traités ce soir soient davantage développés en atelier ou à l’occasion d’autres soirées mensuelles. Je reviens à la question de Daniel parce que cela m’apparait fondamental ce qu’il a amené. Parce que lors des événements comme un Forum social, on se retrouve entre nous avec des gens qui se comprennent par un langage commun. Il est important de faire de la place à ceux et celles qui pensent différemment de nous pour les entendre et leur faire une place. Leurs questions peuvent nous déranger, mais c’est comme cela que nous pourrons convaincre un plus grand nombre de gens. Si nous faisons le tour, nous ne sommes pas toujours cohérents avec nos valeurs. Il n’y a personne qui est 100% cohérent avec lui-même. L’atelier que nous avons animé au Forum social des peuples portait là-dessus. Nous sommes tannés de cet éternel confrontation entre la gauche et la droite, tu es pour ou tu es contre. N’y a-t-il pas moyen d’imaginer quelque chose qui va nous amener ailleurs, au-delà de ce dualisme stérile qui nous empêche d’avancer. Vivons-là l’alternative en acceptant de lâcher prise sur nos idéologies. Il y a des éléments que j’ai entendus que c’est le même discours que nous avions il y a dix ans. Il faut avancer. Pendant longtemps nous avons été en réaction face à un système qui contrôlait ou nous faisait croire qu’il contrôlait l’agenda sociopolitique et qui nous faisait oublier que nous aussi nous pouvons avoir notre propre agenda et notre propre projet. Moi, je lève mon chapeau aux Atikamekws qui ont déclaré unilatéralement leur indépendance. J’ai hâte de voir comment cela va s’enligner, mais ils osent se lancer dans quelque chose qu’ils ne savent pas où cela va les amener. Je suis content d’être venu. Ce n’est pas l’argent qui est le problème, mais ce que les êtres humains font avec l’argent. Moi, j’ai jamais vu un dix piastre me péter une crise. (Rire général) C’est certain quand échangeant sur des sujets comme ceux-là, nous pouvons rapidement devenir déprimés. C’est pourquoi nous avons besoin de nous accrocher à des expériences concrètes. C’est une découverte pour nous à Québec, un organisme comme l’Accorderie où on échange du temps et des services. Il n’y a aucun argent qui se brasse, ce que tu m’apportes vaut autant que ce que je peux t’apporter, peu importe mon niveau d’études. Ce qui importe c’est l’équité dans les échanges. C’est fou comme cela devient créatif. J’apprends l’accordéon folklorique et je me fais couper les cheveux gratuitement, et la semaine suivante, je vais animer une rencontre interculturelle. Tout le monde y trouve son compte, il n’ont pas inventé la même affaire et on ne se compare pas dans la valeur de ce que l’un ou l’autre apporte à l’échange. Ouvrons les yeux sur les choses qui se passent, sur la créativité qui émerge et qui est en ébullition parce qu’il se passe quelque chose de bien beau là-dedans. Même sans argent, nous avons besoin d’une structure économique d’échange et d’épanouissement personnelle et collectif. La valeur économique qui remplace l’argent c’est extrêmement simple, c’est l’individu, c’est la personne. Et je vous pose la question suivante : Qu’est-ce qui fait la valeur d’une entreprise qui produit des biens et des services sur n’importe quel marché et qui fait en sorte que c’est cette entreprise qui va gagner ? Souvent ce sont les personnes qui travaillent dans cette entreprise et qui ont des idées excellentes et novatrices qui sont meilleures que celles de la concurrence. C’est ce qui va faire en sorte qu’ils vont sortir un meilleur produit sur le marché que les gens vont acheter. Chacun d’entre-nous, s’il et vivant, a la capacité d’apporter quelque chose à la collectivité. Que cela soit petit ou gros. Pour compléter, je vous laisse sur une question à laquelle je réfléchis aussi et le constat que je fais c’est que nous devons, à l’intérieur de nos regroupements nous donner des moyens pour atteindre nos objectifs. Est-ce que l’humanité s’est déjà donné des objectifs ? Quels sont les objectifs de l’humanité ? Nous avons tous des objectifs individuellement. C’est excellent. Mais si on se demandait tout le monde ensemble : Quels sont les objectifs de l’humanité ? Et une fois qu’ils sont déterminés, quels sont les moyens qu’on se donne pour les atteindre ? C’est à partir de tout cela qu’on peut redescendre jusqu’aux individus, mobiliser tout le monde, adopter un modèle et reconstruire en petite cellules et en petits groupes pour remonter jusqu’à une structure qui a une orientation. Présentement, l’humanité n’a aucun objectif. Le 8 octobre à 19:00, le Réseau du Forum social de Québec Chaudière-Appalaches organise une rencontre au 435 rue du roi, au deuxième étage, sur les suites à donner au Forum social de peuples. Il y a aussi beaucoup d’activités et de manifestation en lien avec des sujets traités lors de ce forum. Par exemple, le 26 octobre pour les femmes autochtones victimes de violence. Bref, suivez les événements sur le site du Réseau du forum social : http://media.reseauforum.org/bulletin Cela peut être une façon d’avoir de la continuité dans l’action. Il était important que les gens témoignent de ce qu’ils avaient vécu au Forum, mais les activités de mobilisation sociale et de réflexion se poursuivent tout au long de l’année. La rencontre du 8 octobre sera importante pour ceux et celle qui désirent approfondir leur engagement dans la suite des choses et la préparation au Forum social mondial qui aura lieu à Montréal. Stéphane, je trouve extrêmement intéressant le travail d’architecture sociale que tu fais. On pourrait trouver ensemble plusieurs points d’entente avec la Théorie de la société civile que j’élabore. Ce que montre la théorie du rachat de Thierry Rebourg, c’est que dans la mesure où la valeur de ce qui n’a pas de prix est transformée en richesse en acquérant un prix, la valeur est dissoute. Dans la mesure, où même en économie, on perd de vue les paradigmes des valeurs, à partir du moment où l’on se dévalue, où l’on vend la terre et l’être humain, c’est d’ailleurs ce qui se produit, dans cette mesure on détruit complètement le tissu social et plus rien n’a de la valeur. L’argent a de valeur parce qu’il est attaché à une valeur qui n’a pas de prix, étant donné que cette valeur disparait, alors cette richesse là aussi disparait parce qu’elle a besoin d’être adossée à quelque chose qui est « hors » de prix et qui est de l’ordre du sacré. La seule façon de lutter contre cela, c’est de se rattacher à des valeurs spirituelles et cela demeure vrai dans tous les domaines de la vie. Si on prend le crédit, cela vient du mot credo, je crois. J’observe des faiblesses dans les Forum sociaux, entre autre chose, la peur de la théorie, la peur du fait que le fait de connaître peut guider une action. Cela se comprend si on observe l’ancien rapport qui existait entre la théorie et la pratique, il n’y avait pas l’être qui s’interroge sur la valeur de la théorie et sur la valeur de la pratique. Il y a ce travail-là à faire parce que le lien n’est pas direct entre théorie et pratique. Et cela peut même engendrer la violence entre ceux qui veulent agir et ceux qui veulent penser. Une grande partie de la violence nait de là, de l’écart entre la théorie et la pratique. Un autre problème des forum sociaux, c’est que nous n’avons pas de sujets historiques qui permettent le changement. Ce que j’ai trouvé, c’est la société civile qui est l’héritière de la société traditionnelle qui est elle-même l’héritière de la société primitive où il n’y avait ni classe sociale, ni État. Alors il faut revenir à un esprit de partage et de fraternité. Ça c’est le paradigme qu’il faut trouver. On a beaucoup parler du capitalisme fondé sur des rapports conflictuels, le tribalisme guerrier et tout cela qui est une attitude complètement éculée depuis que nous nous sommes rendus compte que la Terre est ronde. Suite aux cris des scientifiques du Club de Rome qui disaient : « Halte à la croissance ! », la prise de conscience de la finitude des ressources a amené Gro Harlem Brundtland en 1991, a amené une notion qui s’appelait le Développement durable. Mais il n’y a pas pire traite que les gens qui se réclament de ce concept. Aujourd’hui, il existe 210 définitions officielles de ce qu’est le développement durable. L’Économie verte l’a reprise à son compte. Au lieu de partir d’une relation conflictuelle entre la société, l’économie et l’écologie, d’une vision dualiste fondée sur des conflits et des rapports de forces, il faut arriver à une vision fondée sur une synergie comprise comme collaboration entre l’homme, les activités humaines et l’environnement. Pour cela, il faut passer d’une relation d’intersection à une relation trinitaire de ces trois aspects-là de l’humanité sur la Terre-mère. C’est ce que j’ai retenu de ma participation au Forum social des peuples et je crois que nous marchons vers cela. L’important c’est de parvenir à avoir une lecture du milieu en observant ce qui fonctionne et pourquoi afin d’appliquer les mêmes dynamiques dans d’autres domaines. À partir de là, nous allons créer une économie nouvelle, une société alternative, une société du partage. Pour se faire, il faut user de stratégie en abordant le décideurs en tentant d’imaginer ce qui serait gagnant pour eux s’ils répondaient positivement à nos demandes ? Tendre la main, c’est beaucoup plus difficile, mais c’est plus courageux que de mettre le poing en l’air. Il y a même des entreprises privées qui auraient avantage à collaborer avec les groupes sociaux. Il faut infiltrer des gens qui ont le bien commun à cœur dans les grandes structures économiques, sociales et politiques. À la racine des choses, les autochtones nous ramènent à la source. Il est étonnant que ce soit à travers leur être et leur identité niés, leur langue, leur savoir-faire, leurs connaissances du territoire, de la nature et des plantes médicinales, même de l’âme humaine. C’est une porte d’entrée pour eux, mais pour nous également, c’est une chance qu’ils nous donnent de renouer avec notre être spirituel parce que nous Occidentaux sommes bien trop rationnels et nous avons construit une religion qui se vit dans notre tête en niant le corps parce que chez les Grecs l’âme et le corps étaient de nature différente et séparée. Tandis que chez les autochtones, il existe tout un processus de réappropriation du corps par les rituels, les tambours, la danse, les chants, les tentes de sudation, et cela nous ramène non seulement dans notre senti comme corps, mais nous relie à nouveau à la Terre-mère dans une attitude de saine humilité parce que nous appartenons à cette création et que nous n’en sommes ni les créateurs ni les propriétaires. En fait, nous ne faisons que l’emprunter à nos enfants. Propos recueillis par Yves Carrier
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Carrefour
de Savoirs | Comité Paix
| Comptes-Rendus |
Feuille de Chou | Mgr Romero
| Nuit de la Spiritualité
| Projet Quartier
St-Roch
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Page
mise à jour le 22
septembre 2014 |